La création des Mystères d’Isis et la découverte de Mozart dans les salons parisiens au début du XIXe siècle
Maquette originale de décor pour l’acte I de la première représentation des Mystères d’Isis
« Ces mystères, annoncés depuis si longtemps, sont enfin dévoilés et accomplis ! […] Un chef-d’œuvre de musique, d’un genre tout-à-fait neuf, excitait depuis longtemps l’admiration de l’Allemagne ; mais c’était encore un mystère pour la France. La Flûte enchantée, de Mozart, était citée comme un ouvrage enchanteur : mais il n’enchantait encore que les étrangers ; et la nation française, très susceptible d’enthousiasme, n’était point initiée à cet enchantement : Mozart lui-même était un musicien mystérieux. »
Journal des Débats Politiques et Littéraires, 22 août 1801
Au début du XIXe siècle Mozart, pourtant déjà mort depuis une dizaine d’année, est encore « un musicien mystérieux » en France. Malgré ses passages à Paris en 1763, 1766 et 1778, son œuvre, presque absente des concerts, est l’apanage d’un cercle restreint de musiciens et de quelques amateurs cultivés. Un opéra vient alors dévoiler et populariser auprès du public parisien le nom et la musique du composteur salzbourgeois. Il s’agit des Mystères d’Isis, créés au Théâtre de la République (futur Opéra de Paris) le 20 août 1801 : un opéra-pastiche, arrangé par le librettiste E. M. de Chédeville et le compositeur L. W. Lachnith, basé essentiellement sur La Flûte Enchantée. Son succès est, dès le départ, retentissant. Plus que par l’intrigue, qu’on reconnait à l’époque présenter des incohérences, et la mise en scène, qui, au contraire, éblouit par la magnificence de son décor néo-égyptien, c’est sa musique inouïe qui enflamme le public de l’époque : « ce qu’il y a de vraiment neuf, de vraiment enchanteur dans cet opéra, c’est la musique » lit-on dans les comptes rendus de l’époque. Une véritable « Mozartomania » s’empare alors des salons de la ville.
Autour de la reconstitution d’une version de chambre des Mystères d’Isis pour deux chanteurs et quatre instruments (piano, flûte, violon et violoncelle), l’Ensemble Hexaméron veut évoquer cette découverte de la musique du compositeur salzbourgeois à Paris, en s’interrogeant sur la manière dont la musique de Mozart était (ré)interprétée par les musiciens français. Car, comme le montre l’exemple de la transformation de Die Zauberflöte en Les Mystère d’Isis, à savoir d’un Singspiel allemand en un Grand Opéra en quatre actes à la française, traduit en français et adapté aux voix des chanteurs français, l’œuvre et le style de Mozart, produits de la culture musicale viennoise, ont également dû se transformer et s’adapter au contact de la tradition et des musiciens locaux. Grâce à un travail approfondi sur les sources et les instruments musicaux français de l’époque, les instrumentistes et les chanteurs de l’Ensemble Hexaméron cherchent ainsi à retracer les fils de cette hybridation entre deux cultures et à redécouvrir un Mozart français inédit.
Pianoforte carré Erard, Paris 1806, propriété de La Nouvelle Athènes – Centre des pianos romantiques
Projet soutenu par la Direction régionale des affaires culturelles d’Île de France